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10/07/2014

A. - L'hallali d'un certain système de soins?

     En réponse à la publication annoncée du "Guide des 4.000 médicaments" rédigé par Philippe Even et Bernard Debré, Christian Lajoux, président du LEEM (Les Entreprises du Médicament) a déclaré à l'AFP :
     "J'attire l'attention sur le côté déstabilisant et dangereux de lâcher en pâture autant d'informations dont certaines sont tout de même imprécises et pas documentées.

    C'est oublier que nous sommes dans un état de droit sanitaire, avec des agences d'évaluation et de régulation qui ont très précisément pour responsabilité d'assurer la sécurité sanitaire des patients et de contrôler l'information qui est donnée aux patients
", a-t-il ajouté avant d'estimer que "les agences d'évaluation devaient être préoccupées par les assertions formulées."

     Pour autant qu'elle paraît minimiser les responsabilités spécifiques de l'industrie du médicament, cette prise de parole n’en indique pas moins le bon chemin qu'il revient à l'ensemble des citoyens et citoyennes de suivre, et de toute urgence : celui d'une révision complète du système de santé.

     En effet, comme l'ont montré le rapport de l'IGAS (Inspection générale des affaires sociales) et les auditions réalisées par la mission d'information du Sénat présidée par François Autain à l'occasion de l'affaire du Médiator, c'est tout le circuit du médicament et de son financement qui se trouve gangrené par le rôle qu'y jouent les multinationales et la spéculation internationale, dans le cadre plus général de l'économie du risque.

     Ce qui, à l'époque, a pu s'écrire en quelques mots parus sur la quatrième de couverture de l'ouvrage : "Une santé aux mains du grand capital? - L'alerte du Médiator" :
    
"Pendant plus de trente ans, un médicament, le Médiator, a réussi à défier le plus simple bon sens.
      Son histoire accompagne, et peut éclairer, celle de la montée en puissance des multinationales du médicament dont on découvre maintenant que les milliards qu'elles ont engloutis dans la recherche & développement n'ont à peu près rien produit du côté des améliorations thérapeutiques.
      En face de quoi, le flot des innovations est tout à fait démesuré : il permet de renouveler des brevets qui offrent à leurs titulaires une rente dont les Assurances maladie et complémentaire ont la charge d'assumer le paiement régulier, tandis que le corps médical, lui-même, ne sait plus à quel saint se vouer, sinon à ce merveilleux don d'ubiquité qu'ont les financements de recherche & développement lorsqu'il s'agit d'investir tous les lieux où la santé de nos concitoyennes et concitoyens est en question : pour les livrer à la spéculation internationale
..."

     Quant aux motivations plus particulières qui animent messieurs Even et Debré, elles restent, semble-t-il, à définir avec un certain soin. C'est ce que nous allons étudier par-delà les deux prochains articles (B et C) qui font suite à celui-ci (A).

Michel J. Cuny

D. - Du bruit et de la fureur... A quelle fin?

     Pour qui MM. Even et Debré ne sont pas absolument des inconnus, il est assez évident que ces deux personnages partagent la particularité de n'avoir pas leur langue dans leur poche. D'où, sans doute, la prudence dont il convient d'armer l'analyse du spectateur lorsqu'ils paraissent se lancer, devant lui, dans quelque grande mêlée que ce soit...

     Travaillant sur la question du Médiator, j'avais eu, pour ma part (ainsi s'exprime Michel J. Cuny), à me pencher sur leur précédente entreprise d'écriture à deux. Elle était une réponse à la commande qu'ils avaient reçue d'un petit président - Nicolas Sarkozy - dont il est assez connu qu'il aura tout fait pour appuyer le développement de la multi-nationale du médicament Sanofi-Aventis, à l'époque où celle-ci était encore dirigée par l'un de ses fondateurs : Jean-François Dehecq.

     Dans la huitième partie d'un livre qui en compte treize, et sous le titre "La santé, plaque tournante de l'exploitation capitaliste", j'en usais ainsi avec eux :
     "
Sous l’impulsion du pouvoir en place, messieurs Bernard Debré et Philippe Even ont consacré un rapport aux leçons à tirer de l’affaire du Médiator. Manifestement, il s’agissait pour eux de s’engouffrer dans une brèche, comme s’ils en attendaient depuis longtemps l’occa-sion." (page 255)

     L'enjeu de l'analyse que j'ouvre ici rejoint, lui aussi, la question de cette brèche. De quoi messieurs Even et Debré sont-ils donc le fer de lance?

     Pour nous mettre en train, reprenons la présentation qu'ils offrent d'eux-mêmes dès la page 18 de leur dernier ouvrage, et ceci, à la troi-sième personne du pluriel :
     "L'un et l'autre n'ont, et n'ont jamais eu, de lien financier avec l'industrie pharmaceutique, mais non seulement ils ne critiquent pas ceux qui coopèrent avec elle, mais au contraire les encouragent à le faire. Seule la coopération public-privé des médecins, des chercheurs et de l'industrie peut conduire à l'émergence de nouveaux médicaments, aux progrès de la médecine et au renouveau de l'industrie française des médicaments."

     Renouveau de l'industrie française des médicaments... Qu'est-ce à dire?

     Qu'il faut que, de ce vieil arbre, tombe quelques grosses feuilles mortes? Ou, mieux encore : que de la petite forêt qu'ils constituent, soient abattus les arbres concurrents du mastodonte Sanofi?... Pour qu'enfin triomphe la finance internationale?

     Quoi qu'il en soit de ce que nous allons avoir à découvrir, nous pressentons qu'effectivement, il s'agit de se jeter dans la mêlée des enjeux mondiaux, au risque d'y laisser toutes ses illusions sur la réalité du souci de santé qui animerait la production du médicament, ici et ailleurs...

Michel J. Cuny